Zoom Artiste : Joana Vasconcelos en quelques œuvres phares

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Exposée en ce moment dans la chapelle du château de Vincennes, Joana Vasconcelos s’illustre de nouveau par son excentricité et son engagement. Les œuvres de l’artiste sont colorées, scintillantes, monumentales, bref, elles interpellent non seulement par leur aspect, mais aussi par le message qu’elles portent.
Son Arbre de vie de treize mètres de haut jouant avec les couleurs des vitraux de la chapelle est conçu en hommage à Daphné, la muse qui, pour mieux fuir les avances répétées du dieu Apollon (on parlerait aujourd’hui de harcèlement sexuel), se transforma en arbre. Joana Vasconcelos rend hommage à la détermination et à la liberté de cette muse. C’est une œuvre engagée pour la cause féminine à l’heure du post-MeToo et des atteintes aux droits des femmes aux États-Unis ou en Iran. Joana Vasconcelos s’engage poétiquement pour sensibiliser à cette cause à travers l’illustration d’un mythe antique.
Cette installation nous donne envie de vous parler plus largement de Joana Vasconcelos, artiste portugaise née à Paris en 1971 et travaillant à Lisbonne où elle a fondé son atelier.
Zoom artiste sur une créatrice hors du commun, drôle et engagée, à travers quelques œuvres phares.

Joana Vasconcelos sous son Arbre de vie © Didier Plowy – CMN

L’art du détournement

L’artiste détourne des objets en les sortant de leur contexte initial pour les transformer, les subvertir, souvent avec humour et ironie. Sa sculpture La Mariée, qui a fait fureur à la Biennale de Venise en 2005, est composée de milliers de tampons hygiéniques : de loin, on voit un beau lustre blanc comme neige ; de près, on distingue ce dont il est constitué, des tampons hygiéniques, des objets prosaïques du quotidien. Joana Vasconcelos s’amuse avec les codes du luxe, de ce qui est noble, en faisant un pas de côté et en utilisant des objets « ignobles » (non nobles) tels que des produits d’hygiène féminine.

La Mariée, 2001-2005, Courtesy Unidade Infinita Projectos Ajuda National Palace, Lisbonne, © Photo : Luís Vasconcelos

Pour son exposition à Versailles dans le cadre du programme « L’art contemporain à Versailles » en 2012, Joana Vasconcelos a conçu un hélicoptère grandeur nature tout entier recouvert de grandes plumes d’autruche roses et d’or, détournant l’objet militaire pour le faire entrer dans le monde du kitsch et dans l’esthétique de Versailles : le Lilicoptère prête à sourire, déplaçant la norme de la force militaire vers un esprit cabaret. L’artiste a également imaginé d’immenses chaussures à talon composées entièrement de casseroles et de couvercles : la sculpture métallique Marylin scintille, expose son glamour, mais les pantoufles de vair rappelant Cendrillon quittent le conte de fées pour entrer dans le monde ménager, celui de la cuisine et des casseroles.

Lilicoptère dans la salle 1830 du château de Versailles, 2012, © Photo : Luís Vasconcelos

Porter un message engagé et critique

Par le détournement, les œuvres de Joana Vasconcelos portent un message, jouent avec les codes convenus et nous étonnent. L’artiste est engagée et particulièrement sensible au statut des femmes. Avec la sculpture Marylin, elle déjoue le mythe du glamour et rappelle l’ambivalence de la condition féminine, entre beauté et foyer : la pin up perchée sur ses chaussures à talon devient ménagère, recluse au monde intérieur de la maison. Par là, elle interroge le statut prêté aux femmes : femme fatale idéalisée ou ménagère enfermée ?

L’œuvre installée au château de Vincennes nous sensibilise à ce que l’on pourrait considérer comme étant le premier #MeToo de notre imaginaire mythologique : la muse Daphné poursuivie sans relâche par le dieu Apollon, bien décidé à arriver à ses fins avec la belle jeune femme. Mais c’était sans compter sur la détermination de Daphné, aidée par son père Pénée qui la transforme en laurier afin qu’Apollon ne puisse plus la poursuivre de ses ardeurs. L’Arbre de vie de Joana Vasconcelos appelle à la liberté des femmes et rend hommage à la détermination de celles qui se battent pour être libre.
Avec son lustre monumental La Mariée, l’artiste interroge la condition des femmes dans le mariage. Le lustre est immaculé, blanc, vierge. La mise en scène de tampons hygiéniques rappelle le mythe séculaire du sang dans la nuit de noces et, par là, remet en question le mythe de la virginité associé à la pureté des femmes non-mariées.
L’engagement féministe de Joana Vasconcelos est au cœur de son travail : ses œuvres amènent une réflexion subtile autour de la condition féminine, nous poussent à nous interroger avec humour et à porter un regard critique sur notre société contemporaine. Cependant, ses œuvres décalées ne sont pas toujours du goût de tous.

Détail de La Mariée, exposée au CentQuatre à Paris

Une artiste excentrique qui a fait scandale

L’excentricité et l’humour de Joana Vasconcelos ne font pas toujours l’unanimité. Lors de la préparation de son exposition à Versailles, l’artiste a été rattrapée par la censure. Parmi les œuvres installées au sein des salles du château, La Mariée a fait scandale : comment peut-on imaginer installer un lustre de tampons hygiéniques au sein de Versailles ? Tout à fait scandaleux ! La décision a été prise de bannir cette œuvre du château : une censure qui a choisit d’ignorer la démarche décalée de l’artiste, consistant à se jouer des codes convenus pour interpeller le spectateur. La Mariée est une œuvre à laquelle Joana Vasconcelos tient beaucoup, car elle entre en résonance avec son engagement féministe et parce que c’est l’œuvre qui a projeté sa carrière d’artiste à la Biennale de Venise en 2005. Ce scandale n’a cependant pas entaché la réputation de l’artiste, alors d’autant plus médiatisée, et a fait tourner beaucoup d’yeux vers son travail engagé, critique et plein d’humour. Le CentQuatre à Paris a d’ailleurs exposé La Mariée juste après sa censure par Versailles.

Alors pour vous ressourcer auprès d’une artiste aussi drôle qu’engagée, n’oubliez pas d’aller vous recueillir sous son Arbre de vie au château de Vincennes, il fait des merveilles…

Une installation à aller voir jusqu’au 3 septembre 2023 : profitez-en, avec ce temps de rêve, c’est idéal.

Cléo Ragasol

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