Christo, quesako ?
Christo, c’est avant tout un duo d’artistes plasticiens : Christo et Jeanne-Claude. Comme unis par le destin, ils sont nés exactement le même jour de la même année le 13 juin 1935, Christo en Bulgarie, Jeanne-Claude au Maroc. Leur rencontre se produit en 1958 à Paris, après que Christo ait fui le régime socialiste en 1956. Leur collaboration artistique débute la même année : Christo est l’artiste, Jeanne-Claude la gestionnaire.
Le style Christo se reconnait par un travail marqué par le « Gigantesque » et l’invasion de l’espace public. Obsédé par l’empaquetage, tout leur travail repose sur le principe d’emballer des bâtiments emblématiques, des parcs, des paysages grâce à des bâches immenses et des câbles faisant parfois plusieurs kilomètres de long.
Ces installations gigantesques, mettant souvent plusieurs années à être mises en place, ne durent en moyenne pas plus de deux semaines avant d’être démontées. Christo est donc souvent rapproché du courant artistique du Land Art en raison du caractère extérieur de toutes leurs œuvres, mais également de leur aspect éphémère.
Le land art est un mouvement de l’art contemporain prenant la nature comme base. Il s’agit alors de réutiliser les matériaux naturels, comme le bois ou les rochers, pour créer des œuvres d’art, généralement de grande taille, qui vont souvent être exposées en extérieur et être soumises aux phénomènes d’érosion. Par conséquent destinées à disparaître, ces œuvres ont fondamentalement une durée éphémère. Cependant, malgré les rapprochements évidents entre le land art et les créations de Christo, le duo a toujours refusé de s’associer au terme, leurs travaux étant détruits de leur propre volonté et souvent installés dans un contexte urbain.
EMBALLER LE PONT NEUF
L’exposition du Centre Pompidou se concentre sur un projet spécifique de l’histoire de Christo : l’emballage du Pont Neuf du 22 septembre au 7 octobre 1985. Ce projet est significatif dans la carrière du duo car Christo voulait rendre hommage au pays qui l’avait accueilli dans sa fuite politique.
Et quel lieu meilleur que le Pont Neuf pour accueillir cette œuvre d’envergure ! Christo fait le choix du plus vieux pont de Paris en raison de la fascination qu’ont eu de nombreux peintres pour le lieu au cours des époques : Renoir, Turner ou encore Picasso l’ont en effet peint et posé leur pierre à la représentation artistique du lieu. Choisir le Pont Neuf pour son installation permet ainsi à Christo de s’inscrire dans la continuité de cette histoire de l’Art qu’il admire.
L’objectif est donc encore une fois d’emballer le lieu. Cependant Christo se défend à l’époque de vouloir le cacher. Pour lui, emballer le lieu permet une nouvelle vision, une nouvelle représentation ! Etant emballé il choque l’oeil et surprend dans le paysage de Paris : le pont retrouve alors sa place centrale sur la carte parisienne. Il s’agit de sublimer le lieu, de le mettre en valeur en le cachant. Car cacher c’est avant tout hâte de retrouver ce qu’il y a en dessous. Il s’agit de rendre le bâtiment « plus poétique » en lui apportant une « interprétation différente ».
Les projets les plus fous pour Paris
Le « projet le plus fou de l’histoire de Paris », c’est la réflexion qui circulait au moment de l’installation du Pont Neuf. L’objectif est de recouvrir le pont au moyen de 40 000 mètres carrés de toile de polyamide couleur « pierre de Paris », de 12 tonnes de chaînes d’acier et par plus de 13 km de cordes ! Pensé depuis très longtemps, il a fallu de la persévérance et relever de nombreux défis pour Christo pour enfin réussir le projet !
Cependant, ce travail de longue haleine n’est pas une nouveauté chez Christo, dont la réalisation des plans mettent souvent des années à se mettre en place. C’est que ces installations coutent cher : 18 millions de francs à l’époque pour réaliser tout l’emballage. Ce budget est assumé intégralement par Christo, qui refuse toute forme de subvention. Il se finance seul, avec à cœur la notion d’indépendance, et refuse toute forme de commande artistique. Son budget, il le tient de la vente parallèle de ses dessins à des galeries ou à des collectionneurs. Il s’agit donc pour Christo de convaincre les pouvoirs publics et collectivités territoriales de le laisser réaliser ses installations.
En 2020, le deuxième projet incroyable à Paris est celui qui a mis plus de 60 ans à aboutir : L’empaquetage de l’Arc de Triomphe. Décalé en raison de la crise sanitaire, reporté du fait du décès de Christo, le projet voit enfin le jour en septembre 2021 !
Des projets qui divisent
Les œuvres de Christo ont en effet souvent fait débat et rencontré autant de contestataires que de soutiens. Il a fallu ainsi plus de dix ans à Christo afin de collecter les autorisations pour monter le projet. Grace au soutien de Claude Pompidou qui réussit à convaincre Jack Lang alors Ministre de la culture et Jacques Chirac, alors Maire de la ville de Paris, Christo finit par surmonter la montagne administrative qu’il tentait de grimper depuis 1975. Et aux réticences politiques s’ajoutaient celles des parisiens, dont certains ne voyaient pas le projet comme une œuvre d’art.
Finalement, le projet éphémère fut un véritable succès dès son ouverture et attira notamment une population jeune emballée par les créations de Christo. Plus de trois de millions de visiteurs se succédèrent en deux semaines pour aller voir le bâtiment, qui attira également nombre de journalistes venus couvrir l’événement.
Ce projet, que Christo déclare comme son « plus urbain » va en réalité être suivi en 1995 par celui de l’emballage du Reichstag à Berlin qui à l’époque rencontraient énormément de contestations politiques et avait été arrêté. Helmut Kohl, alors chancelier, voyait le projet comme manquant de respect aux bâtiments historiques. Un succès parisien qui a peut être convaincu nos voisins allemands à donner sa chance à Christo. Résultat : une vraie réussite populaire avec plus de cinq millions de visiteurs !
Comprendre Christo
Si Christo a souvent été contesté c’est qu’il a souvent été mal compris. « Emballer des bâtiments » serait le seul propos de l’artiste, une chose finalement qui serait à la portée de tous et n’impliquerait pas de processus artistique particulier. En réalité, Christo, figure majeure de l’art contemporain du XXe siècle, n’a pas pour objectif de développer un propos derrière ses œuvres. Il ne cherche rien à déclarer dans ses installations, mais cherche activement à provoquer une réaction chez le spectateur. Il n’y a « pas de message, juste des sensations ».
L’objectif est une certaine forme de contemplation face à ces installations très éphémères. Par l’expérience, les visiteurs peuvent se réapproprier le lieu, le découvrir d’une façon nouvelle et plus intime. Il s’agit de redécouvrir des lieux ou paysages emblématiques qu’on tend à oublier de regarder par habitude et que l’on a envie de retrouver quand ils disparaissent, à la manière du Reichstag ou du Pont Neuf.
Mais les oeuvres de Christo permettent aussi à certaines populations locales de se réapproprier leur territoire. D’abord, car Christo à travers ses installations déclare son amour à l’artisanat, en embauchant des artisans locaux pour réaliser ses structures gigantesques et complexes. Ce sont ainsi les charpentiers de Paris qui ont aidé à la réalisation concrète du projet, et Christo n’a cessé au cours de sa carrière de placer ces ouvriers comme des membres à part entière de son projet artistique.
Ces projets permettent aussi la réappropriation de certains lieux par leurs habitants. En témoigne le projet « Surrounded Islands » à Miami en Floride qui consistait à encercler plusieurs îles de la côte par des tissus en plastique flottants. Enormément contesté, ce projet a en réalité permis le retrait de plusieurs tonnes de déchet de l’eau pendant la préparation de l’installation, et a également attiré de nombreux visiteurs qui avaient déserté certains quartiers de Miami rongés par la criminalité et la drogue.
Finalement, Christo donne à voir les paysages et les lieux publics aux visiteurs. Il leur offre des expériences artistiques toujours gratuites et éphémères, sans jamais chercher le profit. En choisissant le monument parisien de la Place de l’Étoile, Christo vient d’une certaine façon réinventer la monumentalité.
Il n’a ainsi jamais réclamé de droits sur ses installations, notamment sur les photos, qui restent toujours libres. Christo, un artiste généreux qui ne veut qu’offrir une nouvelle vision de leur environnement à ses spectateurs !
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