Cindy Sherman, la photographe aux mille visages
La peinture pour origine
Cindy Sherman est née en 1954 dans le New Jersey où rapidement elle s’intéresse à l’art. Elle rentre alors à l’université de Buffalo pour l’étudier en 1972. Elle se spécialise d’abord dans la peinture, mais rapidement celle-ci lui apparaît insuffisante et trop traditionnelle. C’est ainsi qu’elle va se tourner vers la photographie pour réaliser sa première série « Untitled A-E ».
Cette série en noir et blanc contient déjà en germes tout le travail et les thématiques futures de Cindy Sherman : se portant sur l’American Way of Life ou le mode de vie américain tel qu’idéalisé par la pop culture et les publicités, Cindy Sherman ne cessera de dépeindre les stéréotypes qui y sont attachés tout au long de sa carrière.
Si Cindy Sherman abandonne rapidement la peinture pour se tourner définitivement vers la photographie, il n’en demeure pas moins que ses clichés restent fortement influencés par la pratique de la peinture.
Avec leurs mises en scènes aux couleurs vives presque irréelles, les photos de Cindy Sherman se rapprochent plus de portraits soigneusement chorégraphiées que de clichés pris sur le vif. Rien n’est spontané dans ses photos, tout est soigneusement préparé et composé à la manière d’un tableau.
Certaines de ses photos font même référence directe à des œuvres d’arts célèbres, que ce soit à des icônes religieuses qu’à des tableaux de toutes époques.
Mais la peinture n’est pas la seule pratique artistique omniprésente dans l’oeuvre de Sherman : le cinéma hante également sa photographie depuis ses débuts où elle se mettait en scène sous les traits d’une femme à l’allure hitchcockienne. Cindy Sherman donne ainsi à voir chaque représentation de la femme selon les époques ou les courants artistiques, dans la peinture traditionnelle aussi bien que dans la pop culture, montrant ainsi les attentes physiques mais aussi morales qui pèsent sur elles au cours de l’histoire.
Une artiste conceptuelle
Cindy Sherman se définit comme une artiste conceptuelle. Mais qu’est-ce-que l’art conceptuel exactement ? L’art conceptuel est un courant artistique né dans les années 60 dans les pays anglo-saxons et porté par des artistes comme Marcel Duchamp en France. Ce mouvement prône la supériorité de l’idée à la beauté dans l’art. La réussite esthétique n’est plus l’objectif recherché d’une œuvre, il s’agit de créer du sens et que l’image soit porteuse d’une ambition intellectuelle.
Pour Sherman, la photo ne doit pas donc pas chercher la beauté – à l’inverse de la photographie de mode – mais plutôt le réalisme. La photo doit donner à voir le réel et devenir révélatrice d’un message. Pour Sherman ce message sera la dénonciation de stéréotypes féminins et la représentation des femmes dans toute leur diversité.
Le travail de Sherman va alors se diviser en séries thématiques qui vont toutes venir s’attacher à cet objectif sous différentes facettes : « Rear Screen Projections » va ainsi s’attaquer à la représentation de la femme au cinéma, « Fashion » à la photo de mode et « Hollywood/ Hampton Types » à différents portraits de femme caricaturées. Au centre de son travail se place donc toujours l’idée de questionner les images, d’aller au delà de celles-ci pour venir déconstruire la notion de représentation. Il s’agit de donner à voir les clichés pour mieux les détruire.
Cindy Sherman pour modèle
La grande majorité des œuvres de Cindy Sherman sont des autoportraits. Elle est cependant toujours grimée au point d’en devenir souvent méconnaissable ! Perruques, costumes voir même prothèses, Cindy Sherman sait jouer tous les rôles et revêtir tous les visages. Son objectif est de représenter les femmes, toutes les femmes, de toute époque, âges ou origines sociales.
Au centre de son œuvre se retrouve donc un questionnement sur l’identité, sur ce qui la constitue et sur l’apparence qu’elle revêt. Ceci donne donc des œuvres ultra référencées dans leur époque et dans les codes culturels qui y sont associées.
La métamorphose est donc l’activité centrale de Cindy Sherman : ses œuvres en deviennent à la fois comiques et dérangeantes car le corps est parfaitement malléable et plastique, toujours à la frontière de la caricature ou de la grimace.
Une photographe féministe ?
Sherman ne qualifie elle-même pas son travail de féministe. Cependant beaucoup définissent la photographe comme une artiste engagée et ce depuis ses débuts en 1975. En effet, l’artiste place au centre de son travail la dénonciation de stéréotypes majoritairement féminins.
L’injonction à la jeunesse, les différences de classes sociales entre femmes bourgeoises et femmes issues de milieu populaires, les représentations au cinéma, la charge mentale… Toutes les problématiques centrales des questions féministes sont au premier plan de l’œuvre de Sherman.
En donnant à voir des stéréotypes elle les rend directement visibles dans toute leur absurdité au spectateur. A l’inverse, en photographiant des personnages souvent absentes de la pop culture (des femmes âgées ou difformes par exemple) elle met ainsi en évidence leur absence habituelle de la scène artistique et culturelle. Le public est directement confronté au sexisme des situations pourtant ordinaires représentées. Cindy Sherman, une artiste féministe malgré elle !
Cindy Sherman mise à l’honneur à la Fondation Louis Vuitton
Pour la première fois depuis 2006 en France, la Fondation Louis Vuitton accueille une rétrospective de l’oeuvre de Cindy Sherman jusqu’en janvier 2021. Construite en étroite collaboration avec l’artiste, l’exposition met en scène 170 photographies de Cindy Sherman, de ses débuts en 1975 jusqu’à des photos récentes et inédites. Une occasion absolument inratable d’aller découvrir une des artistes incontournables de la photographie actuelle !
Et pour conclure, une photo de Cindy Sherman non costumée : absolument méconnaissable !
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