Le Caravage, figure essentielle de la peinture réaliste italienne de la fin du XVIème siècle est souvent mal compris. En effet, la peinture de l’époque était majoritairement religieuse ce qui semble aujourd’hui placer le Caravage dans la catégorie de ces peintres, une période dont on a du mal à distinguer qui a peint quel œuvre tant les sujets et les techniques de peinture étaient formatés.
L’œuvre du Caravage, tout comme sa vie, est absolument passionnante, révolutionnaire et sulfureuse. Le Caravage, un peintre rock’n’roll? C’est bien ce qu’il était pour son époque ! Retour sur la vie mouvementée du révolutionnaire de l’art du XVIème siècle.
Un art religieux dominant
Michelangelo Merisi da Caravaggio dit le Caravage est né en 1571 à Milan en Italie. Originaire d’une famille d’artisans de classe moyenne mais proche des notables de la région, il intègre dès ses 13 ans l’atelier du peintre Simone Peterzano pour apprendre la peinture. Au cours de ses années d’études, il se perfectionne dans les sujets privilégiés de l’époque, notamment la nature morte dans un style inspiré de celui de Titien. Intéressé par les sujets aussi bien profanes que religieux, Le Caravage détonne déjà dans le paysage artistique italien du XVIème siècle par sa représentation crue et réaliste de ses sujets.
Il quitte ensuite la région après quatre ans d’étude pour rejoindre Rome et commence sa carrière de peintre professionnel. Vivant dans la pauvreté, il côtoie cependant nombre de grands peintres de l’époque.
Le contexte artistique en Italie est alors dominé par un catholicisme surpuissant : la peinture est essentiellement religieuse et le principal commanditaire d’œuvres est surtout l’Eglise.
Malgré un style baroque dominant dans l’art, l’Église et la réforme prône le retour à un catholicisme originel et dénué de richesse. Les thèmes et scènes commandées sont donc austères et se doivent de représenter le Christ et les premiers chrétiens dans le dénuement et la piété.
Un peintre qui fait débat
La spécificité controversée du Caravage ? Humaniser le divin en représentant les personnages des scènes religieuses bibliques sous les traits de simples hommes et femmes modestes. Ce rapport réaliste et brut de ses sujets choque comme séduit le public de l’époque. En 1599, l’église Saint-Louis-des-Français à Rome lui commande finalement une grande œuvre.
Car cette représentation crue de la religion séduit l’Eglise qui reconnait dans le travail du Caravage l’ambition de la réforme. Mais le travail de Caravage est aussi très décrié : entre 1601 et 1606 il s’attelle ainsi la Mort de la Vierge pour la chapelle de l’église Sainte-Marie du Trastevere à Rome. Sa représentation peu divinisée et réaliste de Marie déplait et choque à tel point que son œuvre sera remplacée.
Peintre sulfureux dans sa technique et dans ses propos artistiques, Le Caravage va cependant atteindre le succès et bénéficier de la protection de puissants mécènes.
Un personnage sulfureux
Durant ces années de pauvreté, Le Caravage se forge une réputation d’homme violent, il se bat souvent et se retrouve régulièrement pris dans des duels. Il est alors emprisonné à plusieurs reprises pour ses comportements bagarreurs et provocateurs. Il boit beaucoup et a tendance à attaquer ses détracteurs. Jusqu’au jour où Le Caravage va trop loin et tue un homme durant un duel en 1606. Persona non grata à Rome, qui refuse d’employer un peintre meurtrier, il est alors forcé de s’exiler à Naples pour continuer à peindre.
Renvoyé de Rome pour ses crimes, il va séjourner, puis fuir, dans différentes villes d’Italie. Il finit par recevoir la grâce du Pape pour ses crimes mais se retrouve de nouveau jeté en prison pour s’être battu. Espérant pouvoir retourner à Rome grâce à la protection du Pape, il meurt en chemin de cause qui restent aujourd’hui encore incertaines. Même dans la mort, le mystère et le caractère sulfureux du Caravage est ainsi demeuré entier.
Un artiste révolutionnaire
Malgré la réputation sulfureuse du peintre, Le Caravage se forge une réputation phénoménale pendant ces années à Rome. Il va ainsi influencer toute une génération de jeunes peintres qui vont s’inspirer des thèmes et de la modernité du maître.
Le Caravage révolutionne tout d’abord le rapport au clair-obscur. D’un réalisme incroyable, ses peintures se couvrent d’une aura dramatique et théâtrale qui sublime les tableaux religieux qu’on lui commande. Il y a également un goût pour le macabre voire le funèbre chez Le Caravage qui vient redonner un intérêt narratif aux scènes religieuses et mythologiques pourtant bien célèbres.
Le Caravage s’intéresse aux scènes de la vie quotidienne, bien moins demandées à son époque. C’est toute la décadence d’une certaine Rome, dans toute sa trivialité, que va chercher à dépeindre l’artiste. Chez Caravage, la violence est omniprésence : les ambiances sont sombres, les gens se battent, trichent dans les tavernes… La décadence morale proscrite par l’Eglise est pourtant bien présente dans sa peinture. Choquer mais aussi représenter la réalité, c’est toute la subtilité du Caravage !
Ainsi Le Caravage a révolutionné la peinture de son temps, et des siècles qui vont suivre, par un usage novateur des techniques picturales et par un choix de thèmes définitivement modernes pour son époque. Aujourd’hui encore sa peinture complexe et sombre continue de passionner et les historiens de l’art s’arrachent encore les cheveux à retracer le parcours chaotique du peintre !
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