Une nouvelle génération d’artistes aux Beaux-Arts « Pour en finir encore »

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L’école des Beaux-Arts de Paris expose dans le Palais Malaquais le travail des étudiants félicités par le jury en 2022 : des œuvres marquées par les intérêts partagés d’une génération, par une écologie de moyen et par le désir de faire ensemble. Une exposition « Pour en finir encore » avec les vieilles conceptions de l’histoire de l’art trop étriquée, pour rebattre les cartes du « beau », pour créer ensemble et pour mettre l’œuvre au sein du collectif.

Un lien fort à l’organique et au végétal

Des œuvres organiques, composées de matériaux naturels ou bruts, de végétaux, de tissus, d’empreintes, d’argile, de verre, de métaux, apparaissent comme des odes au vivant, au hasard, vouées à évoluer et à se transformer sous la poussée de micro-organismes. Elles sont en équilibre précaire, elles vacillent, on craint même de marcher de dessus en évoluant dans la salle. Le visiteur évolue dans les œuvres, elles ne sont seulement accrochées aux murs, elles rampent par terre comme des êtres vivants.
Une grande œuvre collective in situ ouvre l’exposition : elle est tentaculaire, se répand sur le sol et les murs. Des pièces forgées sont posées au sol et vouées à recueillir le liquide issu de mélanges de plantes et de noyaux de cerises brûlés. Elles sont entourées de pièces de silicone formant des arborescences assorties de micro-organismes, de terre crue, de végétaux humides, vouées à évoluer naturellement. Plus loin, une série de plaques de verre montre de grandes formes cellulaires réalisées à partir de pigments noirs obtenus par la carbonisation de noyaux de fruits : par une technique de goutte-à-goutte sur la surface de l’eau, l’artiste forme des cercles concentriques avec les pigments puis les transfert sur les plaques de verre : la forme cellulaire change d’échelle et offre le spectacle du jeu du pigment et de l’eau.

Une autre œuvre montre le transfert des micro-organismes prélevés sur la façade nord d’un immeuble grâce à du silicone : l’œuvre se transformera au gré des micro-organismes prélevés, comme une peau, comme de la terre, elle vit.

Témoigner des guerres et des conflits actuels

En montant à l’étage, on découvre des œuvres plus politisées, tournées notamment vers les problématiques de la guerre (en Ukraine, notamment) sous la forme de performances filmées ou de projections filmiques. Derrière des rideaux noirs, on rencontre une projection coupée en trois : trois rectangles de lumière qui se répondent ou se nient. L’artiste à l’origine de cette œuvre est partie en Ukraine dès l’annonce de l’invasion russe afin de comprendre ce qui se jouait sur place : la confusion ambiante se reflète dans la confusion narrative du documentaire au plus près des gens et de ce qu’ils traversent. Une autre œuvre expose les conflits en Ukraine et en Irak à travers une projection sur de fines toiles et sur de lourdes pierres cassées rappelant des stèles : les images se reflètent, peu claires, sur les fins voiles, et très clairement, par fragments, sur les pierres, montrant le morcellement, l’éclatement induits par les conflits armés.

Identité : ce que nous dit l’habit

Hautement ancrées dans l’époque, les questions d’identité queer, d’identité de genre et d’immigration (donc l’identité culturelle) sont réunies dans l’œuvre d’un jeune artiste d’origine mexicaine, Daniel Galicia, qui les allie toutes dans son œuvre et dans sa propre identité : c’est un ressortissant mexicain, queer, gay. Sa co-performance filmée consiste en un effeuillage suivi d’un habillement : il quitte ses vêtements pour revêtir une large robe rose à panier, des fleurs dans les cheveux, imitant la fête des 15 ans des jeunes filles mexicaines. La robe n’est pas seulement le symbole d’une féminité et un changement d’identité de genre, elle est aussi le support de l’identité de l’immigré : sur le tissus sont imprimés les différents documents et papiers d’identités de l’artiste, symboles de son parcours administratif dans les pays d’accueil. À côté du film de la performance qui s’est déroulée dans la cour de l’école des Beaux Arts, la robe est exposée ainsi qu’un portrait de l’artiste peint sur les documents administratifs relatifs à son statut d’immigré réfugié au Canada puis en France. C’est une œuvre qui allie performance, vidéo, peinture, couture, impression, une œuvre porteuse d’un sens fort et ancrée politiquement dans son époque.

Daniel Galicia, The Quinceañera Project, 2022

L’exposition « Pour en finir encore » offre le regard d’une nouvelle génération d’artistes marquée par des thèmes très actuels et brûlants : écologie, nature, guerre, identité sont les thèmes abordés avec une ambition collective qui invite à sortir de l’isolement et à ouvrir de nouveaux possibles pour l’art et pour les artistes.

Exposition à voir jusqu’au 4 décembre 2022 au Palais des Beaux-Arts / 13, quai Malaquais 75006 à Paris.

Images de mise en avant, dans l’ordre : Joan Valenzuela, SLC1 ou 48,8651775,2,4341416 – Emma Passera, Tunnel dans ton cœur – Joan Valenzuela, détail de 8,8649342,2,4281425.

Cléo Ragasol

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