Cinq ans après Me Too, le musée Carnavalet fait un retour sur les engagements pour l’émancipation des femmes entre 1789, à la Révolution, et 2000, avec la loi sur la parité. Un retour sur une histoire capitale, à une époque où tout est encore en jeu pour les droits des femmes. « Parisiennes citoyennes ! » avec un point d’exclamation pour mieux se faire entendre.
Déambuler dans l’histoire des femmes parisiennes
C’est une exposition très dense, il faut s’y rendre en ayant bien deux heures devant soi pour la parcourir si on ne veut pas risquer de la finir au pas de course, ce qui serait très frustrant, car cette longue chronologie de l’histoire de l’engagement des femmes pour leur émancipation est passionnante. De la Révolution à la loi sur la parité en 2000, on suit la dynamique de l’émancipation des femmes dans différents domaines, allant du droit à travailler, à l’accès à l’instruction, au droit de faire du sport, à celui d’être artiste, à la liberté de disposer de son corps ou encore au droit de voter, à travers des dessins, des peintures, des textes, des portraits, des affiches, des photographies ou des films.
Il s’agit d’un parcours chronologique constitué de cinq grandes périodes, des avancées et des reculs des droits des femmes : de 1789 à 1871 avec l’accès aux droits civiques et l’engagement des femmes lors de la Commune ; de 1871 à 1914 avec les droits des femmes dans la République et le mouvement de suffragettes ; de 1914 à 1939 avec le passage d’une guerre à l’autre, le Front populaire, les garçonnes et les suffragettes ; de 1939 à 1968 avec les mouvements lesbiens, la lutte pour l’avortement, les grèves et mai 68 ; de 1970 à 2000 avec le MLF, les femmes immigrées, la lutte contre les violences et le viol, la lutte pour l’égalité salariale, la condition des femmes dans l’espace public et les cultures féministes.
Rencontrer des grandes figures féminines
Qui sont-elles, celles, que toute femme aujourd’hui doit remercier ! L’évolution des droits des femmes a été possible grâce au courage de grandes figures : des intellectuelles et des écrivaines – Olympe de Gouges, Mme de Staël, Flora Tristan, George Sand, Simone de Beauvoir, Françoise Sagan, Niki de Saint-Phalle, Monique Wittig, Antoinette Fouque – des journalistes – Séverine (Le Cri du peuple), Marguerite Durand (La Fronde) – des artistes et des cinéastes – Rosa Bonheur, Tamara de Lempicka, Juliette Gréco, ORLAN, Agnès Varda, Miss Tic – des militantes et des femmes politiques – Rose Zehner, Louise Michel, Simone Veil, Gisèle Halimi, Arlette Laguiller – et, bien sur, beaucoup d’engagées et de militantes anonymes, manifestantes, colleuses, révoltées.
« Ma revendication en tant que femme, c’est que ma différence soit prise en compte, que je ne sois pas contrainte de m’adapter au modèle masculin. »
Simone Veil
On suit l’organisation collective des femmes au cours de l’histoire, en salons – comme chez Mme de Staël ou chez Mme Flora Tristan – en associations et en mouvements – comme les suffragettes , le MLF, les Chiennes de garde – en mouvements de mobilisation et de résistance – lors de la Commune sur les barricades, pour de meilleurs conditions de travail à l’époque du Front populaire, pour la légalisation de l’avortement, contre la colonisation, contre les violences faites aux femmes et contre le viol. L’engagement des femmes est multiple et prend de nombreuses formes : il a lieu par l’écrit – en commençant par la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne d’Olympe de Gouges – par la manifestation, la résistance, l’art…
Cet engagement est constant et la conquête de nouveaux droits n’est jamais acquise car, comme l’a écrit Simone de Beauvoir dans Le Deuxième sexe, « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. »
À la fin de l’exposition, on lit : « Mieux que rien c’est pas assez » sur une banderole de manif. En effet, ce n’est pas assez, on sait que nous ne sommes pas au bout de la lutte pour les droits des femmes et pour l’égalité. On a envie de prolonger l’exposition avec les problématiques auxquelles nous faisons face aujourd’hui, la vague Me Too et la libération de la parole – ou de l’écoute – des personnes victimes de violences et de viol, le rôle des réseaux sociaux dans les luttes féministes, la multiplication des associations féministes, la remise en cause de l’avortement aux États-Unis et la montée des anti-IVG en Europe (notamment en Italie), ou encore les révolutions féministes en Iran. L’exposition est très dense, mais on a envie de continuer à parcourir cette histoire féminine et féministe en l’élargissant au monde entier.
Cette exposition ne devrait pas être temporaire, car il faut montrer l’histoire des femmes et continuer à l’écrire en l’enrichissant toujours : à quand une parité réelle ? à quand la fin du patriarcat ? à quand l’égalité des droits pour les hommes et les femmes dans tous les milieux et dans tous les pays ?
En attendant, vous pouvez aller voir le film et la pièce de théâtre sur Simone Veil, lire le numéro spécial de Courrier International « Nous les femmes » ou aller voir l’exposition de l’artiste féministe Alice Neel au centre Pompidou. Pour patienter.
« Parisiennes citoyennes ! » au musée Carnavalet jusqu’au 29 janvier 2023. Découvrez l’exposition avec Alex, conférencier Talivera. Si vous souhaitez organiser une visite guidée privée ou une sortie culturelle en groupe (de 10 à 20 personnes) avec l’animation pour un échange au café, contactez-nous. 👋 [email protected]
Cléo Ragasol
Photo mise en avant © Gamma-Rapho