Exposition Munch Musée d’Orsay Paris

Edvard Munch : vie, amour et mort au musée d’Orsay

Partager

À l’occasion de l’exposition qui se déroule jusqu’au 22 janvier 2023 au musée d’Orsay, Talivera vous invite à plonger dans l’oeuvre de cet artiste mystérieux.

« On naît, on aime, on meurt. C’est le cœur de l’exposition. »

CLAIRE BERNARDI, COMMISSAIRE DE L’EXPOSITION

Le Musée d’Orsay met en lumière l’aspect poétique et angoissé de l’œuvre de Munch :
« Un poème de vie, d’amour et de mort ». On y voit l’évolution de son œuvre, sa recherche d’une utilisation nouvelle des couleurs et sa stylisation des personnages et des paysages. On y constate la liaison lyrique et symbolique entre les grands tourments de l’âme humaine mue par la vie, l’amour et la mort. Surtout, on y comprend l’aspect cyclique de l’œuvre de Munch, oscillante entre désespoir et angoisse, amour et force de vie, comme l’artiste lui-même. On y découvre ses autoportraits et son obsession pour sa propre image tourmentée, sa façon de se représenter vulnérable et inquiet.

L’œuvre d’Edvard Munch est souvent ramenée au Cri, à tort, car son œuvre est ample et variée. La toile est d’ailleurs absente de l’exposition, figurée sobrement par une sérigraphie. Le Cri est certes l’œuvre emblématique de l’artiste, celle que l’opinion retient car elle porte en elle une universalité que le temps n’altère pas – elle a même son emoji – mais l’exposition du musée d’Orsay nous permet de nous intéresser plus avant d’autres éléments de son œuvre et à sa variété : on observe son passage du réalisme au symbolisme et à la préfiguration de l’expressionnisme par l’approche au plus près et au plus juste de l’émotion humaine.

L’exposition commence avec des peintures réalistes dans lesquelles on constate la maîtrise d’Edvard Munch : il peint ses sœurs (visuel de l’exposition ci-dessous : Inger qui est la sœur de Munch) ou son autoportrait sans encore mettre en œuvre de recherche de stylisation. Cette recherche de style et de nouveauté, on la constate d’abord avec les peintures de La Frise de la vie.

La Frise de la vie : ode aux émotions emmêlées

Le fil conducteur de l’exposition est constitué par La Frise de la vie. Munch pensait ses œuvres en séries pour qu’ensemble elles trouvent un sens plus fort. La Frise de la vie est celle de l’amour et des grands mouvements de l’âme – l’angoisse, l’approche de la mort, la jalousie, la solitude, etc. Vie, amour, mort, maladie, angoisse, abandon se lient dans ces toiles. Là commence la stylisation expressionniste dans les toiles exposées de Munch, un usage différent et symbolique des couleurs et des formes.

Dans Le Vampire – d’abord nommé Amour et douleu– une femme est penchée sur un homme, l’entourant doucement de ses bras et de ses cheveux, mais semblant aspirer sa force de vie. 

Edvard Munch Vampire, 1895 Oslo, Munchmuseet © Munchmuseet / Richard Jeffries

La Madone a un visage creusé et est accompagnée d’un petit Jésus fantomatique. Mélancolie montre un homme abandonné sur une plage, triste, alors que son amante a retrouvé son mari au loin sur la jetée. Le Cri appartient à La Frise de la vie. Là, le paysage est déclencheur d’une terrible angoisse et devient le miroir de l’âme humaine : le grand cri silencieux poussé par le personnage spectral sous un ciel rougeoyant est provoqué par ce ciel même. Le motif est repris d’une toile précédente, Le Désespoir : un homme de profil sur un pont en ligne de fuite sous un ciel rouge. Ainsi, le désespoir et l’enthousiasme se tiennent par la main, les sentiments se mêlent ensemble dans ces toiles à travers des figures, des ombres qui planent, des motifs ou des symboles récurrents comme la femme en cheveux, l’ombre derrière l’adolescente dans Puberté, des perspectives exagérées, des couleurs violentes.

Récurrences, obsessions, refrains : fouiller le style

Munch semble faire preuve d’une certaine obsession dans la conception de ses œuvres : le sujet est travaillé, repris, reconstruit afin de traduire le plus justement l’émotion choisie. Des œuvres comme Le Cri, Le BaiserJeunes filles sur un pontLa Danse sur la plage – et d’autres encore – existent en de multiples versions, peintures ou estampes : on trouve dans l’exposition des variations de ces œuvres, des reprises de motifs, de figures ou de compositions.

La répétition traduit la recherche de justesse et de style : par exemple, les effets varient entre les différentes versions de La Lutte contre la mort, le style incarnant la scène différemment à chaque nouvelle tentative. Avec un usage plus ou moins violent des couleurs, un traitement plus ou moins stylisé des figures humaines rendues plus ou moins dramatiques, Munch reprend la composition et stylise le sujet, insiste sur une expression, une émotion et crée des variables. Dans les deux versions ci-dessous, la seconde est très stylisée, le personnage du premier plan à un visage figé comme un masque de cire, les couleurs sont violentes et la maladie semble avoir envahi tout l’espace en ne laissant pas de répit au regard.

Autoportraits et obsession de l’image de soi

Les autoportraits du peintre sont également des témoins des cycles de désespoir et d’enthousiasme de Munch, de ses mouvements d’âme et de ses évolutions stylistiques. Ce sont les toiles qui montrent l’obsession de Munch pour sa propre image et pour son propre désespoir.

On ne rencontre pas d’autoportrait flatteur : Munch y est spectral ou vulnérable, malade, erratique ou tourmenté. Ce ne sont pas des toiles de commande, ce sont des exutoires pour les tourments du peintre.

Tous les autoportraits présentés nous interpellent, traduisent un état psychologique de l’artiste, une angoisse – un cri ? : autoportrait spectral à la cigarette, autoportrait en promeneur nocturne, autoportrait après la grippe espagnole, autoportrait en tourments intérieurs, autoportrait au bras de squelette, autoportrait en vieillard, autoportrait en enfer – qui ferme l’exposition et qui répète le motif de l’ombre…

À l’ère du selfie lissé, ces autoportraits nous frappent par la vulnérabilité que l’artiste y place, affichant à dessein ses tourments et ses craintes. En se représentant ainsi, il nous tend aussi un miroir : la force de l’émotion et de l’expression picturale crée une possibilité d’identification. Le narcissisme de Munch touche à notre narcissisme de spectateur.

Edvard Munch a conçu une œuvre universaliste passionnante : ses toiles qui sondent l’âme humaine – la sienne, la nôtre – et exposent les angoisses profondes sont admirables et continuent de nous bouleverser. Dans cette exposition, « Edvard Munch – Un poème de vie, d’amour et de mort », on trouve à lire et à voir en abondance, malgré l’absence du Cri. Pour mieux connaître l’artiste Edvard Munch, retrouvez notre article Zoom artiste

Cléo Ragasol

Visuel mis en avant : Edvard Munch Soirée sur l’avenue Karl Johan, 1892 – Dag Fosse / Dag Fosse / KODE (Site du Musée d’Orsay)

Laisser un commentaire