Deux ambiances très différentes pour découvrir le sculpteur américain Charles Ray au coeur de Paris : la Fondation Pinault, écrin à l’espace intérieur aéré et calme, le Centre Pompidou, icône de l’Art Moderne à l’atmosphère survoltée. Les deux institutions proposent chacune une exposition qui se complètent parfaitement afin de décrypter les oeuvres de cet artiste majeur. Au spectateur de choisir celle qui lui convient le mieux en fonction de ses envies.
Charles Ray (né en 1953) est peu connu en France. Cependant, François Pinault collectionne ses oeuvres depuis 1992 et elles ont été mises en avant dans sa fondation à Venise, La Punta della Doggana.
Un artiste qui met le corps au centre de son travail
Charles Ray, fait corps avec son travail : au sens propre, son corps est un outil, il s’en sert pour réaliser des sculptures et au sens figuré, sa sculpture évolue en fonction de son état d’esprit intérieur. Il travaille la représentation du corps, qui peut même devenir une mise en abîme du corps lui-même : il créé des sculptures de mannequins eux-mêmes représentations d’un certain idéal de corps humain.
Charles Ray manifeste un vif intérêt pour la représentation du corps dans son entier. En tant que sculpteur, il avoue une passion pour la statuaire grecque qui est pour lui une source d’inspiration (en particulier un Kouros du Ve siècle avant J-C qu’il prend plaisir à admirer régulièrement).
Son sens aigu de sa personnalité guide ses désirs créatifs, comme le choix de la mise en avant d’un textile qui lui fait plaisir, le coton. Cela a été le point de départ de la série d’autoportraits « All my clothes » pour laquelle il a sorti toutes ses tenues des placards. C’est une mise en scène de son corps dans des tenues qui lui font du bien.
Ses oeuvres s’inscrivent dans l’espace physique, elles font un tout.
L’oeuvre prend une dimension différente en fonction de son exposition, du lieu où elle est mise en avant. L’artiste joue avec l’espace, il s’amuse à le déstructurer, à le faire évoluer. Son oeuvre « Fall’ 91 » est un bon exemple de cette vision : il s’agit de la statue d’un mannequin femme dont la particularité est sa taille surdimensionnée. Plus on s’en rapproche, plus elle grandit et plus le spectateur rétrécit. L’espace n’est donc qu’une perception, c’est la dimension que chacun lui donne qui a de l’importance, il est presque subjectif.
A la recherche du temps infini
Le temps tient également une place très importante dans son oeuvre : le temps quotidien et le temps qui passe. Particulièrement touché par un crucifix d’Alessandro Algardi, il en a fait une réinterprétation moderne et monochrome. D’une certaine façon, il rend ces oeuvres anciennes intemporelles puisqu’elles peuvent toujours être recréées et en même s’inscrire dans une nouvelle époque.
Il se propose de résister au passage du temps par le choix des matériaux, comme l’aluminium ou l’acier qui confèrent à la statue une forte résistance. Ces surfaces argentées et lisses deviennent des miroirs hypnotiques de nos propres corps.
Le temps fait également partie du processus créatif et il est indispensable de ne pas l’en séparer. Réaliser une sculpture demande du temps et de l’espace pour travailler. Ces deux notions sont donc, une nouvelle fois, intrinsèquement liées.
Au cours de sa carrière, Ray a évolué. Il est parti de sculptures posées à même le sol, en contact direct avec la terre comme s’il leur attribuait un point de départ, une origine. Elles semblaient « instables » comme le début de toute chose. Il s’est réinventé petit à petit pour se rapprocher d’une esthétique plus classique inspirée des grands maîtres de la sculpture et s’inscrire dans une temporalité plus longue, à l’image des statues grecques qui ne « vieillissent pas ».
Avec Charles Ray, corps et esprit sont enfin en lien. Il nous fait ressentir un équilibre entre la pensée et le corps.
Pour en savoir plus, rendez-vous au Centre Pompidou et à la Bourse de Commerce