Rodin est le sculpteur le plus marquant de la fin du XIXe. Ses personnages au dynamisme époustouflant ont révolutionné l’histoire de la sculpture. « Avec lui, le marbre tremble », pouvait-on entendre à l’époque ! « Il arrive à insuffler la vie à la matière ! » Découvrez trois œuvres majeures qui mettent en lumière la carrière de l’artiste.
Le Penseur, 1880
Si Le Penseur est sans doute l’une des œuvres les plus célèbres de Rodin, c’est également une de ses premières sculptures. Commandée par le musée des arts décoratifs de Paris, l’objectif était d’intégrer la statue dans un portail représentant l’Enfer de Dante.
Le Penseur représente Dante lui même, réfléchissant à son poème devant les Portes de l’Enfer. Mais cette représentation de la pensée et de la réflexion défient les attentes. Pas d’image divine ou de mythologie dans cette sculpture, le penseur est un homme profondément humain plongé en pleine réflexion. Tout son corps et ses muscles sont tendus, comme pour montrer l’effort de cet homme à la réflexion si intense qu’elle semble douloureuse.
Mais à quoi peut-il bien réfléchir ce penseur ? Le mystère reste entier. Et c’est sûrement cette capacité qu’a chaque spectateur de se projeter dans les soucis du penseur et à s’identifier qui a donné à cette œuvre son caractère si universel !
Le Baiser, 1886-1889
Le Baiser est une seconde sculpture commandée à Rodin pour la Porte de l’Enfer, mais qui en fut vite séparée. Ce projet symbolise tout l’apport révolutionnaire de l’artiste à la sculpture moderne. Les sujets ne sont plus imaginaires ou religieux, les personnages ne sont pas des grands hommes : ce sont deux amoureux anonymes. La sculpture de Rodin est destinée à tous, elle n’est pas un modèle pour l’humanité, elle est l’humanité elle-même.
Ce baiser entre les personnages est sensuel sans être érotique : il a valeur de métaphore et n’est pas voyeuriste. C’est la proximité entre deux amants qui est ainsi donnée à voir aux spectateurs, dans toute sa douceur et son intimité.
A la manière du penseur, Rodin se distingue par une marque de fabrique qui lui sera bien personnelle et unique : l’attention du spectateur ne se dirige pas vers les visages des personnages, qui sont d’ailleurs dissimulés, mais vers leurs corps. Toute la subtilité des émotions se traduit dans le corps des personnages : un bras qui s’accroche tout en s’abandonnant, un doigt qui effleure, une jambe qui semble vaciller … Le corps plus que le visage devient le miroir de l’âme.
Monument à Balzac, 1898
Emile Zola commande plusieurs statues de l’écrivain Balzac à Auguste Rodin en 1891. Dès lors commence une série de difficultés et des débats qui dureront plusieurs années. Les croquis de Rodin ne satisfont pas ses commanditaires et l’oeuvre, qui ne cesse de prendre du retard, divise la classe politique, intellectuelle et artistique.
Le résultat divise encore plus : chef d’œuvre du sculpteur pour certains, fantôme sans forme de Balzac pour d’autres, la statue est un tournant dans la carrière de Rodin. Elle se présente en effet comme une rupture nette dans le travail de l’artiste : le corps si mis en valeur par Rodin est désormais caché et n’est plus qu’une masse informe dont on devine quand même la silhouette derrière le drap de pierre. Seul demeure le visage sévère de l’écrivain.
Rodin est alors à un moment de sa carrière où sa renommée le précède. Il n’a plus besoin de faire ses preuves et s’autorise à expérimenter, au grand regret des commanditaires de l’œuvre qui attendaient les classiques du style Rodin. Le Monument à Balzac représente donc un tournant majeur dans la carrière de l’artiste.