Un cerf volant qui fait valser les convenances dans « Un mois à la campagne »

Partager

Le sociétaire de la Comédie française Clément Hervieu-Léger met en scène avec la Compagnie des Petits Champs la pièce d’Ivan Tourgueniev Un mois à la campagne et fait tonner les éclairs des désordres amoureux sur le théâtre de l’Athénée. On vacille avec plaisir entre Tchékov et la comédie de boulevard, entre le drame et le vaudeville : la pièce est en sélection Talivera, et pour cause !

L’amour et la liberté font tourner les têtes

Une famille de l’aristocratie russe est en vacances dans sa demeure de campagne. La présence d’Alexeï, le jeune précepteur, donne lieu à de nombreuses perturbations au sein de cette maison qui semble au début condamnée par l’ennui.
Natalia, la mère, est prise d’un mal mystérieux, elle soupire, s’énerve, ne trouve plus auprès de son ami Rakitine l’apaisement qu’elle trouvait par d’agréables conversations : elle tombe amoureuse d’Alexeï, le précepteur de son fils. Et Natalia n’est pas la seule à souffrir : le charme maladroit du jeune Alexeï opère aussi sur Véra, qui s’éprend de lui.

© Juliette Parisot


Alexeï est empreint d’une liberté douce et naturelle, symbolisée par le cerf volant qu’il construit avec Véra et Kolia, c’est le vent d’été qui bouleverse l’ordre de cette famille engoncée dans les convenances de son rang. La petite société aristocratique vacille devant le naturel des sentiments : on perçoit une critique amusée de Tourgueniev des codes aristocratiques, dont il montre qu’ils sont fragiles et soumis aux aléas des émotions. Le jeune Alexeï représente la liberté du dehors qui vient souffler dans la maison et faire valser les convenances.
Les perturbations des sentiments finissent par vider la maison : les amoureux s’en vont, ne restent sur scène que la belle-mère de Natalia et son petit-fils, faisant voler innocemment son beau cerf-volant.

« Tout amour, heureux ou malheureux, est une calamité, à condition qu’on s’y livre tout entier. »

Rakitine

Une mise en scène d’une grande liberté

La pièce d’Ivan Tourgueniev permet une grande liberté de mise en scène, car elle s’affranchit des codes théâtraux de la division du texte en actes et en scènes, des péripéties et des coups de théâtre, ce qui est très novateur pour l’époque. C’est une pièce qui s’emmêle avec la littérature, qui suit un fil narratif sans trop avouer son aspect dramatique et sans surjouer la théâtralité.

« Mettre en scène Tourgueniev, c’est m’intéresser d’abord à la manière dont se rencontrent chez lui le nouvelliste et l’auteur de théâtre. Tourgueniev dira lui-même, à propos d’Un mois à la campagne, qu’il s’agit là d’une “nouvelle en forme dramatique”. […] Il veut éviter une théâtralité qui, trop outrée ou plaquée, empêcherait le spectateur de faire lui-même le chemin vers la scène. »

Clément Hervieu-Léger

Le plateau est recouvert d’un parquet clair à deux niveaux qui grince sous les pas des acteurs, reproduisant habilement les bruits de la maison dans laquelle la famille évolue : la maison n’est figurée que par les sons. Les espaces extérieurs sont représentés par les gazouillis des oiseaux et par le souffle du vent. Les costumes sont élégants, marquent la classe sociale des personnages sans marquer l’époque de l’intrigue, plaçant la pièce dans un intemporel universalisant. Les acteurs mènent le jeu avec endurance et virtuosité, la pièce étant assez longue (plus de 2 heures sans entracte) : à la différence de cette petite société au début de la pièce, on ne s’ennuie pas en les observant jouer le théâtre des sentiments dévorants et bouleversants.

© Juliette Parisot

Quelques mots sur l’auteur et le metteur en scène

Ivan Tourgueniev est un auteur russe du XIXe siècle. Il est issu d’une famille aisée et grandit sous le joug d’une mère tyrannique, figure qui apparaît dans plusieurs de ses œuvres. Il a vécu en France et fréquenté de grands auteurs et autrices, comme George Sand, Mérimée, Zola et Flaubert. Son roman le plus célèbre est Père et Fils. En 1875, il est élu vice-président du Conseil international de Littérature avec Victor Hugo. Il meurt en France en 1883 auprès de la femme qu’il aime, Pauline Viardot.
Clément Hervieu-Léger est acteur et metteur en scène. Sociétaire de la Comédie française depuis le 1er janvier 2018, il y a joué dans de nombreuses pièces. Il a collaboré avec Patrice Chéreau sur des mises en scène et a été le metteur en scène de plusieurs pièces de la Comédie française ainsi que de celles de divers théâtres français tels que le théâtre des Champs-Élysées, le théâtre des Bouffes-du-Nord ou le Théâtre national de Strasbourg.

Un mois à la campagne d’Ivan Tourgueniev est une pièce rafraîchissante qui nous plonge dans une ambiance estivale qui nous fait du bien et qui nous montre comment un être charmant et libre peut faire tourner les têtes. Retrouvez-nous à l’occasion de notre prochaine sortie culturelle théâtre Talivera pour découvrir la pièce et échanger vos avis 👉 Réservation

Cléo Ragasol

Laisser un commentaire