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Révélations à l’infini avec l’artiste Philippe Cognée

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Pour sa réouverture, le musée Bourdelle à Paris expose l’artiste contemporain Philippe Cognée. L’exposition « Philippe Cognée – La peinture d’après » met en avant une caractéristique originale du peintre. En effet, Philippe Cognée peint « d’après » et «  par-dessus » : d’après photo, d’après peintures, d’après les artistes qui lui servent de modèles et qui l’inspirent, et par-dessus des reproductions d’œuvres. Mais il invente aussi une manière de peindre originale en floutant les contours de ses sujets et dynamise une pratique qui, dans les années 1990, se trouve dans le creux de la vague.
Au sein du beau musée Bourdelle à Paris, découvrez l’œuvre d’un artiste contemporain à la pratique originale et novatrice.

Le flou artistique : la peinture à la cire d’abeille

Philippe Cognée choisit de peindre en mettant en avant la technique plus que le sujet lui-même. Dans ses toiles, le sujet est fondu dans le flou et disparaît presque au profit de la technique picturale. En effet, l’artiste peint à l’encaustique : il utilise la cire d’abeille comme liant de la peinture et place sur la toile un film plastique qu’il travaille au fer à repasser. Quand il enlève le film de la toile, la peinture est fondue et les bords du sujet son floutés. Philippe Cognée veut maintenir une tension tout au long du processus de création : jusqu’au bout, il ne sait pas à quoi ressemblera le résultat final de sa peinture. Le retrait du film plastique agit comme un révélateur, crée une surprise, un inattendu esthétique.

Je veux une révélation infinie, qu’il n’y ait pas d’évolution attendue, mais une tension tout au long du travail. Je ne sais jamais vraiment ce que va donner mon tableau, jusqu’au dernier moment, quand j’enlève le film repassé.

Philippe Cognée

Le sujet est comme avalé par la technique de l’encaustique : Philippe Cognée s’amuse à reprendre des sujets de la peinture classique, des saints, des portraits officiels, pour les abstraire par la technique, pour les faire entrer dans le flou artistique. Il s’attache aussi à mettre en avant des sujets vulgaires, des objets ou des lieux du quotidien qui n’ont pas leur place dans la peinture, comme une chaise en plastique blanc ou un supermarché, auxquels il applique le même traitement flouté sur des toiles démesurées : ces sujets prennent alors une autre dimension, deviennent abstraits, envahissent l’espace et happent le spectateur qui cherche à les déchiffrer.

Peindre d’après : la « repeinture » à l’infini

Philippe Cognée se lance, entre 2013 et 2015, dans un projet gargantuesque : il prélève dans les catalogues de la grande foire d’art contemporain Art Basel (grand rendez-vous du milieu de l’art contemporain qui a lieu chaque année) une reproduction d’une œuvre. Il fixe ensuite la feuille de papier glacé sur une plaque d’aluminium et repeint l’œuvre, quelle qu’elle soit, peinture, sculpture ou installation, à la peinture à l’huile, noyant la reproduction sous la matière et lui rendant une gestuelle picturale dont elle était privée par la reproduction sur papier glacé. C’est un procédé de « repeinture » infini, un processus méthodique réitéré des centaines de fois : c’est là le caractère gargantuesque de son projet, refaire ce geste jusqu’à l’épuisement.

Philippe Cognée cherche à montrer le caractère mercantile de cette foire artistique : on expose et on vend, les œuvres prolifèrent et tendent à l’impersonnalité. Comme dans les rayons d’un supermarché où les produits débordent, les œuvres se multiplient pour être vendues.
Le musée Bourdelle expose le projet du Catalogue de Bâle dans une scénographie en labyrinthe dans laquelle on se perd. Les repeintures sont exposées à hauteur de regard, alignées sur un mur blanc et courent dans la galerie en une fresque infinie. Certaines repeintures appellent notre regard, on croit reconnaître une œuvre, là un Picasso, ici un Baselitz ou un Giacometti, là un Alice Neel, ici un Calder, là un Jeff Koons ou un Soulages : on se prend au jeu, on cherche à décrypter, à retrouver qui est l’artiste à l’origine de l’œuvre repeinte par Philippe Cognée, anonymisée par son processus. La prolifération des reproductions ajoutent à la sensation de tournoiement, de noyade dans les œuvres, de trop-plein. On s’y perd tant il y en a, et on se perd dans le labyrinthe.

Retrouver la puissance, entrer dans la démesure

Philippe Cognée cherche la démesure et conçoit ses projets selon cette quête : ses œuvres sont soit de grands formats qui engloutissent le regard, soit des petits formats très nombreux qui prolifèrent et envahissent l’espace.
Dans la dernière salle de l’exposition, on rencontre de grandes toiles, certaines en triptyque, représentant d’immenses fleurs qui se fanent, des amaryllis et des pivoines. Ces grandes fleurs fanées sont un véritable spectacle : la fragilité et la délicatesse des pétales sont offertes au regard en très grand format, passant du vulnérable au puissant par la peinture. Philippe Cognée prend pour modèle l’œuvre d’Antoine Bourdelle et tente de s’approcher de l’impression qu’elle lui procure : des sculptures majestueuses au traitement organique qui donnent une impression de puissance, d’infaillibilité qui marquent le spectateur.

Mes fleurs, je veux qu’elles submergent, qu’elles débordent, qu’elles impressionnent le spectateur. Je pars de quelque chose de très fragile et j’essaie de rejoindre la puissance de Bourdelle.

Philippe Cognée

C’est cette contradiction entre le puissant et le fragile qui fait la grande beauté de ces toiles : l’organique, le fané, le mortel entrent dans la puissance, l’explosion colorée et la démesure du format.

Cléo Ragasol

L’exposition « Philippe Cognée – La peinture d’après » est un incontournable du moment : on y passe de surprise en surprise, de l’humour à la poésie et nous vous conseillons vivement d’aller la découvrir. Philippe Cognée est un artiste dont l’œuvre s’inscrit merveilleusement au sein du musée Bourdelle. En vous rendant à l’exposition, vous aurez le bonheur d’évoluer parmi les sculptures d’Antoine Bourdelle et de faire le plein de verdure printanière en traversant le jardin du musée. TALIVERA vous y emmène !

📍EXPOSITION à PARIS : Philippe Cognée – La peinture d’après au Musée Bourdelle

📆 Jusqu’au 16 juillet 2023

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